Heureux l’homme des champs
Ah ! loin des fiers combats, loin d’un luxe imposteur,
Heureux l’homme des champs, s’il ne connaît son bonheur !
Fidèle à ses besoins, à ses travaux docile,
La terre lui fournit un aliment facile.
Sans doute, il ne voit pas, au retour du soleil,
De leur patron superbe adorant le réveil,
Sous les lambris pompeux de ses toits magnifiques,
Des flots d’adulateurs inonder ses portiques.
Il ne voit pas le peuple y dévorer des yeux
De riches tapis d’or, des vases précieux.
..
Il n’a point tous ces arts qui trompent notre ennui ;
Mais que lui manque-t-il ? La nature est à lui,
Des grottes, des étangs, une claire fontaine
Dont l’onde, en murmurant, l’endort sous un vieux chêne ;
Un troupeau qui mugit, des vallons, des forêts :
Ce sont là ses trésors, ce sont là ses palais.
C’est dans les champs qu’on trouve une mâle jeunesse ;
C’est là qu’on sert les dieux, qu’on chérit la vieillesse ;
La justice, fuyant nos coupables climats,
Sous le chaume innocent porta ses derniers pas.
VIRGILE
Traduit par l’Abbé Jacques DELILLE
Extrait de « Georgiques » (Travaux de la terre), Livre II
Source : « Nouveau cours de Littérature Romaine » par Edouard Mennechet, Garnier Frères, Libraires Éditeurs, Paris, 1867