Nudité
L’ombre jetait vers toi des effluves d’angoisse :
Le silence devint amoureux et troublant.
J’entendis un soupir de pétales qu’on froisse,
Puis, lys entre les lys, m’apparut ton corps blanc.
J’eus soudain le mépris de ma lèvre grossière …
Mon âme fit ce rêve attendri de poser
Sur ta grâce où longtemps s’attardait la lumière
Le souffle frissonnant d’un mystique baiser.
Dédaignant l’univers que le désir enchaîne,
Tu gardas froidement ton sourire immortel,
Car la Beauté demeure étrange et surhumaine
Et veut l’éloignement splendide de l’autel.
Éparse autour de toi, pleurait la tubéreuse,
Tes seins se dressaient fiers de leur virginité …
Dans mes regards brûlait l’extase douloureuse
Qui nous étreint au seuil de la divinité.
Renée Vivien
Source : « Poésies complètes » de Renée Vivien, éditeur « Librairie Alphonse Lemerre », 23-33 passage Choiseul, Paris, 1934 (MDCCCXXXIV)