Desperatio
Plus de Dieu, rien au ciel ! ah ! malheur et misère !
Sans les cieux maintenant qu’est-ce donc que la terre ? –
La terre ! ce n’est plus qu’un triste et mauvais lieu,
Un tripot dégoûtant où l’or a tué Dieu,
…
Un ignoble clapier de débauche et de crime,
Que la mort, à mon gré, trop lentement décime ;
Un cloaque bourbeux, un sol gras et glissant,
Où, lorsque le pied coule, on tombe dans le sang ;
Les débris d’un banquet où, la face rougie,
Roule la brute humaine ; – une effroyable orgie !
Là sans frein, sans remords et prêt à tout métier,
La femelle s’étale à qui veut la payer ;
Quant au mâle il en rit, il blasphème, il parjure,
Il jette à tout visage et la boue et l’injure ;
Il tue, il démolit, il monte sur l’autel ;
Sur l’or saint du calice il pose un pied charnel ;
…
Tant la cupidité le travaille et le mange,
Tant l’or, ce dieu de boue, emplit son cœur de fange,
Tant le souffle du mal sur son front abattu
Avant le premier poil, fait tomber la vertu.
Auguste Barbier