Le vrai sage est celui qui fonde sur le sable,
Sachant que tout est vain dans le temps éternel,
Et que même l’amour est aussi peu durable
Que le souffle du vent et la couleur du ciel.
Henri de Régnier
Couche-toi sur la grève et prends en tes deux mains,
Pour le laisser couler ensuite, grain par grain,
De ce beau sable blond que le soleil fait d’or ;
Puis, avant de fermer les yeux, contemple encore
La mer harmonieuse et le ciel transparent,
Et, quand tu sentiras, peu à peu, doucement,
Que rien ne pèse plus à tes mains plus légères,
Avant que de nouveau tu rouvres tes paupières,
Songe que notre vie à nous emprunte et mêle
Son sable fugitif à la grève éternelle.
Henri de Régnier
source : « Œuvres de Henri de Régnier », Mercure de France 1913
Pour que ton rire pur, jeune, tendre et léger,
S’épanouisse en fleur sonore,
Il faut qu’avril verdisse aux pousses du verger,
Plus vertes d’aurore en aurore,
Il faut que l’air égal annonce le printemps
Et que la première hirondelle
Rase d’un vol aigu les roseaux de l’étang
Qui mire son retour fidèle !
Mais, quoique l’écho rie à ton rire avec toi,
Goutte à goutte et d’une eau lointaine,
N’entends-tu pas gémir et répondre à ta voix
La plainte faible des fontaines ?
Henri de Régnier
source « Oeuvres de Henri de Régnier », Mercure de France 1913