Le temps, aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Pierre Corneille
J’ai une montre en métal
qu’aucune autre n’égale.
Elle se hâte en languissant,
son cœur bat, persévérant.
Ses aiguilles et le temps
sont en conflit constant.
Elle marche, je tarde peu ou prou,
elle s’arrête et moi, je m’en fous.
Je l’observe sans énervement
avancer ou retarder indolemment !
Je tiens à ma montre, elle passe son temps
à me tromper si bien sur le temps …
choisi et interprété par l’auteur du site, Barbara Botton
Cette traduction originale, due à Barbara Botton, relève du droit de la propriété intellectuelle.
Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué.
source : « La Poésie Arabe, des origines à nos jours », René R. Khawam, Éditions PHÉBUS, 1995
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours, faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous le pont de nos bras passe,
Des éternels regards, l’onde si lasse
…………………………………………………………
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va, comme la vie est lente
Et comme l’espérance est violente
…………………………………………………………
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Guillaume Apollinaire
Le Paris que vous aimâtes
n’est pas celui que nous aimons
et nous nous dirigeons sans hâte
vers celui que nous oublierons
Topographies ! itinéraires !
dérives à travers la ville !
souvenirs des anciens horaires !
que la mémoire est difficile …
Et sans un plan sous les yeux
on ne nous comprendra plus
car tout ceci n’est que jeu
et l’oubli d’un temps perdu
Mais le temps même à qui tout cède
Dans les plus doux abris n’a pu fixer mes pas !
Aussi léger que lui, l’homme est toujours, hélas !
Mécontent de ce qu’il possède
Et jaloux de ce qu’il n’a pas.
Dans cette triste inquiétude,
On passe ainsi la vie à chercher le bonheur.
A quoi sert de changer de lieux et d’habitude
Quand on ne peut changer son coeur ?
(extrait)
Nicolas Germain Léonard
source : « Anthologie de la poésie française du XVIII siècle », Gallimard 1997