Aumône
Nulle ivresse ne m’est venue
D’avoir fréquenté les humains,
Étonnés par mon âme nue,
Ils ne me tendent pas les mains.
Je ne veux plus rien de ceux-là
Qu’il faut appeler mes semblables.
Monde haineux, peureux et plat,
Nos lois n’ont pas les mêmes tables.
On peut être heureux sans amis,
Les choses valent qu’on les aime,
Mon bonheur à moi je l’ai mis
Dans tout ce qui vient de moi-même…
…
Dans le visible et l’invisible
Je me promène en souriant.
Mon destin n’a rien d’effrayant :
Je suis seule, mais je suis libre !
Parmi vous, décevants humains,
Déjà pareille à mon fantôme,
J’aime mieux mon grave royaume
Que vos bonheurs sans lendemains.
Au jour venu, que l’heure sonne
Où l’on doit renoncer à tout !
Je ne devrai rien à personne
Et chacun me devra beaucoup;
Car toutes ces belles années
À l’écart de vos tristes bruits
Auront encore nourri mes fruits,
-Et je vous les aurai données.
Lucie Delarue-Mardrus