Retenez, ô, Français, les leçons de la guerre,
Et faites des enfants, vous qui n’en faisiez guère.
Guillaume Apollinaire
Combien j’ai douce souvenance
Du joli lieu de ma naissance !
Ma sœur, qu’ils étaient beaux, les jours de France !
Ô, mon pays, sois mes amours,
Toujours !
Te souviens-tu de notre mère,
Au foyer de notre chaumière,
Nous pressait sur son cœur joyeux, ma chère,
Et nous baisions ses blancs cheveux,
Tous deux ?
[..]
Te souvient-il du lac tranquille
Qu’effleurait l’hirondelle agile,
Du vent qui courbait le roseau mobile,
Et du soleil couchant sur l’eau,
Si beau ?
Qui me rendra mon Hélène,
Et ma montagne, et le grand chêne ?
Leur souvenir fait tous les jours ma peine !
Mon pays sera mes amours,
Toujours !
Corinthe, où sont tes murs ? Où sont tes forteresses,
Tes palais, tes jardins, et ton orgueil détruit ?
Où sont les beaux époux et les tendres maîtresses ?
Ton peuple, par milliers, où dort-il aujourd’hui ?
La guerre a tout brisé dans son obscène rage ;
Rien ne subsiste plus du luxe dispersé ;
Et seule, nymphe grise errante sur la plage,
La mouette semble pleurer sur le passé.
Antipater de Sidon
Source « l’Anthologie Palatine » et Marguerite Yourcenar « La Couronne et la Lyre », Gallimard, 1979
A l’heure grise, c’est le tour de la rainette :
Et sa chanson toujours la même, lente et nette,
De buissons en buissons, va mourir jusqu’au pré.
On ne distingue plus qu’un nuage empourpré.
Le bois, las de frémir, va prendre un bain de lune,
Et les voix des oiseaux se taisent, une à une.
Les joncs laissent tomber leurs pointes désarmées,
Et, dans l’herbe touffue aux mille bruits calmés,
Grisé d’odeurs, parmi les fleurs de toute sorte,
Grave, le grillon noir écoute sur sa porte.