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Trop aveugles humains, quelle erreur vous enivre !
Vous n’avez qu’un instant pour penser et pour vivre,
Et cet instant qui fuit est pour vous un fardeau !
Avare de ses biens, prodigue de son être,
Dès qu’il peut se connaître,
L’homme appelle la mort et creuse son tombeau.
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Abjurez, ô mortels, cette erreur insensée !
L’homme vit par son âme, et l’âme est la pensée.
C’est elle qui pour vous doit mesurer le Temps !
Cultivez la sagesse ; apprenez l’art suprême
De vivre avec soi-même ;
Vous pourrez sans effroi compter tous vos instants.
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Ô Temps, suspends ton vol, respecte ma jeunesse ;
Que ma mère, longtemps témoin de ma tendresse,
Reçoive les tributs de respect et d’amour ;
Et vous, Gloire, Vertu, déesses immortelles,
Que vos brillantes ailes
Sur mes cheveux blanchis se reposent un jour.
Antoine Léonard Thomas
Source : Suzanne Julliard « Anthologie de la poésie française », Éditions de Fallois, 2002
Barbara Botton
Prends exemple sur la colline
Qui doit accoucher du raisin.
Elle, des feuilles de ses vignes,
Pourrait se contenter.
Pourtant, des châles en gazon,
De la fourrure des buissons,
Des bonnets, des manchons de thym
Où cachent leurs jeux les lapins,
Elle costume sa beauté.
– Et toi, coquette extravagante,
Qui de ta seule peau te gantes,
Avril, tu te crois en été !
Raymond Radiguet
Source : « Ouvres complètes » de Raymond Radiguet, Éditions Grasset & Fasquelle, 2023