Gravez votre nom dans un arbre
Qui poussera jusqu’au nadir.
Un arbre vaut mieux que le marbre
Car on y voit les noms grandir.
En cet instant nacré, devant la mer chantante,
Le jardin au soleil est un bouquet d’odeurs,
Et ce parfum qui monte a l’ardeur des attentes
Qu’auraient des yeux d’enfants dans leur chaude candeur.
Attente d’on ne sait quelle joie ignorée,
Espoirs, lancés au loin, des « plus tard » merveilleux,
Où tout sera compris, les choses déchiffrées,
Où rien ne sera plus morne ni périlleux.
…
Nature donnez-moi votre vide tranquille,
Cette paresse blonde où vous vous complaisez,
Et que mon triste cœur soit pareil à ces iles
Que l’on voit au lointain, sous des cieux apaisés.
Pour décevoir les spinozistes :
le chef d’œuvre n’est pas l’artiste.
Il faut dire à Spinoza, le panthéiste,
que l’œuvre est bien séparée de son artiste.
Il y a différence en substance et nature
entre le Créateur et sa créature.
Barbara Botton
O ma si fragile compagne,
Puisque nous souffrons à Paris,
Envolons-nous dans la campagne
Au milieu des gazons fleuris.
Loin, bien loin des foules humaines,
Où grouillent tant de cœurs bourbeux,
Allons passer quelques semaines
Chez les peupliers et les bœufs.
..
Oh ! le vol des bergeronnettes,
Des linottes et des piverts !
Oh ! le cri rauque des rainettes
Vertes au creux des buissons verts !
Mon âme devient bucolique
Dans les chardons et les genêts,
Et la brande mélancolique
Est un asile où je renais.
…
À quoi pense la Nuit, quand l’âme des marais
Monte dans les airs blancs sur tant de voix étranges,
Et qu’avec des sanglots qui font pleurer les anges
Le rossignol module au milieu des forêts ? ..
À quoi pense la Nuit, lorsque le ver luisant
Allume dans les creux des frissons d’émeraude,
Quant murmure et parfum, comme un zéphyr qui rôde,
Traversent l’ombre vague où la tiédeur descend ? ..
Elle songe en mouillant la terre de ses larmes
Qu’elle est plus belle, ayant le mystère des charmes,
Que le jour regorgeant de lumière et de bruit.
Et – ses grands yeux ouverts aux étoiles – la Nuit
Enivre de secret ses extases moroses,
Aspire avec longueur le magique des choses.
Maurice Rollinat
Source : recueil « Paysages et paysans » ; Maurice Rollinat « Poèmes choisis » Éditions EDILIVRE APARIS, 2012