Cœur qui a tant rêvé,
O Cœur charnel,
O Cœur inachevé,
Cœur éternel.
Cœur qui a tant battu,
D’amour, d’espoir,
O Cœur trouveras-tu
La paix du soir ?
Charles Péguy
Où te trouverai-je ? Au bout de quelle route sombre
Ton corps interdit sent-il l’étreinte de mon rêve ?
Dans quel océan tes yeux de feu voient-ils mon Ombre
Qui cherche à tâtons l’Amour fuyant, de grève en grève ?
Je sais ta tristesse et tes brûlants désirs sans nombre ;
Tu vis quelque part ton existence amère et brève.
Où te trouverai-je ? Au bout de quelle route sombre
Ton corps interdit sent-il l’étreinte de mon rêve ?
Pendant que mes doigts frôlent le cœur fuyant du Nombre,
Tâchant d’allonger le crépuscule qui s’achève,
Dans quel océan tes yeux de feu voient-ils mon Ombre
Qui pleure à jamais l’Amour perdu, de grève en grève ?
Armand Godoy
source : « Anthologie de l’œuvre poétique de Armand Godoy », Éditions Bernard Grasset, 1960
Je suis riche de soirs et d’aurores,
De chants, de parfums, de clarté :
Quel fruit cueillerais-je encore
Au verger de ta beauté ?
Je suis ivre d’étés et d’automnes,
De fleurs, de fruits et de vins ;
Tu m’as fait de toi-même aumône :
Qu’aurais-je imploré demain ?
Mon rêve est réalisé
(L’avais-je rêvé si beau ?)
Et pourtant mon cœur est brisé,
Et je songe qu’on rêve au tombeau.
(extrait)
Francis Vielé-Griffin
source : « L’Amant des heures claires », choix de textes, coll. « Orphée », La Différence, 1994
Puisque tes jours ne t’ont laissé
Qu’un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu’on ne tende la couche
Où ton cœur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys qu’y courbe un souffle amer,
– Et grave ces mots sur le sable :
Le rêve de l’homme est semblable
Aux illusions de la mer.
Paul-Jean Toulet
Le vent hurle, et dans sa monstrueuse colère
Jusqu’au lugubre ciel soulève les flots noirs.
Pas un astre. Ma vie aux amples désespoirs
Erre sans gouvernail, lamentable galère.
Tu parais ; l’ouragan suspend son large cri :
Tu parles, et ta voix douce et lente l’apaise,
Et la mer, en chantant, caresse la falaise,
Et mon rêve au soleil est un vaisseau fleuri.
Tristan Derème
« La verdure dorée », Éditions Émile-Paul Frères, 1925
illustration : tableau de Rafal Olbinski