Le ciel – souvent si bleu – reflète la mer
et, même la nuit, ne reflète pas la terre.
Barbara Botton
Qu’elle est belle la terre, avec ses vols d’oiseaux
Qu’on entrevoit soudain à la vitre de l’air,
Avec tous ses poissons à la vitre de l’eau !
La peur les force vite à chercher un couvert
Et l’homme reste seul derrière le rideau.
Qu’elle est belle, la terre, avec ses animaux,
Avec sa cargaison de grâce et de mystère !
Le poète se tient à la vitre des mots.
Cette beauté qu’il chante, il la donne à son frère
Qui se lave les yeux dans le matin nouveau.
Je ne veux plus parler qu’aux têtes de feuillages
Les grands peupliers bleus qui naviguent l’été
Et qui, jaillis du cœur vigoureux des herbages
Balancent l’ombre oblique et l’odeur des ramiers.
Terre au sang vert ouvert, aux ressacs de collines
Terre aux fleuves de vent, à la tunique d’eau
Pavoisée de vin noir, d’olives, de fumées
Terre pavée de mers, de femmes, de troupeaux
Toi mon pays, ma soif, ma gorge, ma brûlure
Ma ronce, mon couteau, ma reine, ma sueur
Je te referme en moi, ma trop douce blessure
Comme farine et feu unis aux Chandeleurs.
Luc Bérimont
Source : « Poésies complètes », tome II, Presses Universitaires d’Angers, 2009
Comment ça va sur terre ?
– Ça va, ça va, ça va bien.
Les petits chiens sont-ils prospères ?
– Mon Dieu, oui merci bien.
Et les nuages ? – Ça flotte.
Et les volcans ? – Ça mijote.
Et les fleuves ? – Ça s’écoule.
Et le temps ? – Ça se déroule.
Et votre âme ? – Elle est malade
le printemps était trop vert
elle a mangé trop de salade.
Jean Tardieu
Titre du poème » Conversation (sur le pas de la porte, avec bonhomie) »
Source : Tardieu « Œuvres », Éditions Gallimard, 2005
Ah Terre ! qu’il fait bon naître sur ton vaisseau
Vivre sur tes rivages.
Nos corps sont ta substance et tes flancs nos berceaux,
La vie est ton ouvrage.
Les cieux aux larges ondes te portent toute ronde
Autour du clair soleil, en présence des mondes.
Ô Patrie ! vieille terre où nous chantons ce soir,
Tu nous défends des nuits sans lunes et des cieux noirs ;
Ô Terre ! Ah qu’il fait bon naître sur tes rivages
Et vivre avec ardeur les plaisirs de chaque âge.
Robert Desnos