Alpes, vous n’avez point subi mes destinées !
Le temps ne vous peut rien ;
Vos fronts légèrement ont porté les années
Qui pèsent sur le mien.
Pour la première fois, quand, rempli d’espérance,
Je franchis vos remparts,
Ainsi que l’horizon, un avenir immense
S’ouvrait à mes regards.
Chateaubriand
source : » Mémoires d’outre-tombe « , 1838
Hélas ! combien de fois j’ai déjà vu le cierge
S’allumer tristement auprès d’un cher cercueil,
Et suivi l’huissier noir qui frappe de sa verge
Le pavé de l’église aux tentures de deuil !
Notre existence brève est une étroite berge,
Et nous, des naufragés sur ce rebord d’écueil ;
À chaque instant, un flot en prend un qu’il submerge :
Et nous nous déchirons dans la haine et l’orgueil !
Auguste Angellier
Il ne suffit pas de parler toujours et encore …
Puisque les blocages se logent dans le corps.
Barbara Botton
Jeune philosophe en dérive
Revenu sans avoir été,
Cœur de poète mal planté :
Pourquoi voulez-vous que je vive ?
L’amour ! .. je l’ai rêvé, mon cœur au grand ouvert
Bat comme un volet en pantenne
Habité par la froide haleine
Des plus bizarres courants d’air ;
Qui voudrait s’y jeter ? .. pas moi si j’étais ELLE ! ..
Va te coucher, mon cœur, et ne bats plus de l’aile.
J’aurais voulu souffrir et mourir d’une femme,
M’ouvrir du haut en bas et lui donner en flamme,
Comme un punch, ce cœur-là, chaud sous le chaud soleil ..
Alors je chanterais (faux comme de coutume,
Et j’irais me coucher seul dans la trouble brume)
Éternité, néant, mort, sommeil, ou réveil.
…
Tristan Corbière
Source : « Les Amours jaunes », Éditions Gallimard, 1973