… N’accuse pas mon génie avare.
J’offre et dérobe aux coups du désir
Ce qui l’attire et ce qui l’égare,
Ce qui l’enflamme et le fait mourir,
Mais rayonnante et mystérieuse
Dans la blancheur, ma robe d’Isis
Mire des jeux d’ombre spécieuse,
Olivier, saules et tamaris :
Mes plus beaux dons je les dissimule,
Mes meilleurs biens je les enfouis :
Cours à tâtons dans mes crépuscules
Découvre enfin que je t’éblouis !
…
Charles Maurras
(Extrait du poème « Révélation » ; éditeur : Aux Éditions de la Nef, 1942 : « Une anthologie de la Poésie Française » par Kléber Haedens)
Quand, m’éloignant déjà de la fête qui chante,
La Mort autour de moi tissera ses réseaux,
De sa bouche édentée et de sa main tremblante,
Quand une âpre vieillesse aura vidé mes os,
Me souviendrai-je encore des fleurs chaudes et mûres,
De l’odeur des sureaux rôdant au loin dans l’air,
Et des beaux soirs d’orage où le cœur des luxures
Descend d’un pas royal aux vergers de la cher !
Vincent Muselli
(source : « Poèmes » de Vincent Muselli, édité en 1943 par Jean-Renard)
Vous souvient-il de l’auberge
Et combien j’y fus galant ?
Vous étiez en piqué blanc :
On eût dit la Saint Vierge.
Un chemineau navarrais
Nous joua de la guitare.
Ah ! que j’aimais la Navarre,
Et l’amour, et le vin frais.
De l’auberge dans les Landes
Je rêve, – et voudrais revoir
L’hôtesse au sombre mouchoir,
Et la glycine en guirlandes.
(Titre original du poème « Chanson »)
…
Je suis le vent qui roule, et je m’entends bruire
Parmi le vol agile et bleu des libellules ;
Au visage des eaux, j’ai vu mes yeux reluire
Et mon sang a teinté les roses campanules,
Pendant que de la sève en moi se coagule.
Je parle avec l’écho et vogue à l’unisson
Des traînantes rumeurs que le bois dissimule,
Et je m’épanouis aux primes floraisons.
(Extrait du poème « Printemps »)
source : « Anthologie des poètes français contemporains » B. Walch, Paris Ch. Delagrave Éditeur, 1906