Merci l’humble sarrasin d’être là :
on peut te manger à tous les repas.
Barbara Botton
Aimez vos mains afin qu’un jour vos mains soient belles,
Il n’est pas de parfum trop précieux pour elles,
Soignez-les. Taillez bien les ongles douloureux,
Il n’est pas d’instruments trop délicats pour eux.
C’est Dieu qui fit les mains fécondes en merveilles ;
Elles ont pris leur neige au lys des Séraphins,
Au jardin de la chair ce sont deux fleurs pareilles,
Et le sang de la rose est sous leurs ongles fins.
Il circule un printemps mystique dans les veines
Où court la violette, où le bluet sourit ;
Aux lignes de la paume ont dormi les verveines ;
Les mains disent aux yeux les secrets de l’esprit.
(extrait)
Germain Nouveau
Remonte, lent rameur, le cours de tes années,
Et, les yeux clos, suspends ta rame par endroits ;
La brise qui s’élève aux jardins d’autrefois
Courbe suavement les âmes inclinées.
Cherche en ton cœur, loin des grand’routes calcinées,
L’enclos plein d’herbe épaisse et verte où sont les croix.
Écoutes-y l’air triste où reviennent les voix,
Et baise au cœur tes petites mortes fanées.
Songe à tels yeux poignants dans la fuite du jour.
Les heures, que toucha l’ongle d’or de l’amour,
À jamais sous l’archet chantent mélodieuses.
Lapidaire secret des soirs quotidiens,
Taille tes souvenirs en pierres précieuses,
Et fais-en pour tes doigts des bijoux anciens.
Albert Samain
Source : Albert Samain « Le Chariot d’or » , édité par Mercure de France, 1924
O brise du Sud, viens boire la neige,
Nous sommes repus de gel et de vent,
Un doux pissenlit a tiré de terre
Un petit soleil tout en or vibrant.
O brise du Sud, viens boire la neige,
Nous sommes repus de froid et de pluie,
Une pâquerette a tiré de terre
Un petit soleil frangé de sang vif.
O brise du Sud, qu’Amour te protège,
Nous avons tous faim et soif d’être heureux ;
Chaque œil de bourgeon épie, tout peureux,
Ton souffle d’azur qui boira la neige.
Louisa Paulin