Barbara Botton
L’ombre jetait vers toi des effluves d’angoisse :
Le silence devint amoureux et troublant.
J’entendis un soupir de pétales qu’on froisse,
Puis, lys entre les lys, m’apparut ton corps blanc.
J’eus soudain le mépris de ma lèvre grossière …
Mon âme fit ce rêve attendri de poser
Sur ta grâce où longtemps s’attardait la lumière
Le souffle frissonnant d’un mystique baiser.
Dédaignant l’univers que le désir enchaîne,
Tu gardas froidement ton sourire immortel,
Car la Beauté demeure étrange et surhumaine
Et veut l’éloignement splendide de l’autel.
Éparse autour de toi, pleurait la tubéreuse,
Tes seins se dressaient fiers de leur virginité …
Dans mes regards brûlait l’extase douloureuse
Qui nous étreint au seuil de la divinité.
Renée Vivien
Source : « Poésies complètes » de Renée Vivien, éditeur « Librairie Alphonse Lemerre », 23-33 passage Choiseul, Paris, 1934 (MDCCCXXXIV)
Passer quelques heures à lire
Est mon plus doux amusement ;
Je me fais un plaisir d’écrire,
Et non pas un attachement.
Je perds le goût de la satire :
L’art de louer malignement
Cède au secret de pouvoir dire
Des vérités obligeamment.
Je suis éloigné de la France,
Sans besoin et sans abondance,
Content d’un vulgaire destin.
J’aime la vertu sans rudesse,
J’aime le plaisir sans mollesse,
J’aime la vie et n’en crains pas la fin.
L’année se rajeunissait en sa verte jouvence
Quand je m’épris de vous, ma nymphe cruelle,
Seize ans était la fleur de votre âge nouvelle,
Et votre teint sentait encore son enfance.
Vous aviez d’une enfant encore la contenance,
La parole et les pas ; votre bouche était belle,
Votre front et vos mains dignes d’une immortelle ;
Et votre œil, qui me fait transporter quand j’y pense.
Amour qui, ce jour-là, si grandes beautés vit,
Dans un marbre, en mon cœur d’un trait les inscrivit ;
Et si, aujourd’hui vos beautés si parfaites
Ne sont comme autrefois, je n’en suis moins ravi,
Car je n’ai pas égard à cela que vous êtes,
Mais au doux souvenir des beautés que je vis.
Pierre de Ronsard
Cette tendre pâleur qui recouvrit
D’une nuée d’amour son doux sourire,
S’offrit à mon coeur si majestueuse
Que mon visage parla avant moi.
Je compris aussitôt comment les saints
Se voient au Paradis : une idée pure
S’ouvrit à moi, à l’insu de tout autre
Je la perçus, je n’ai d’yeux que pour elle.
..
Pétrarque
extrait du sonnet 123, traduit par René de Ceccatty
Source : Pétrarque « Canzoniere », Éditions Gallimard, 2018