Ton âme, c’est la chose exquise et parfumée
qui s’ouvre avec lenteur, en silence, en tremblant,
et qui, pleine d’amour, s’étonne d’être aimée.
Ton âme, c’est le lys, le lys divin et blanc.
Comme un souffle des bois remplis de violettes,
ton souffle rafraîchit le front du désespoir,
et l’on apprend de toi les bravoures muettes.
Ton âme est le poème, et le chant, et le soir.
Ton âme est la fraîcheur, ton âme est la rosée,
ton âme est ce regard bienveillant du matin
qui ranime d’un mot l’espérance brisée …
Ton âme est la pitié finale du destin.
Renée Vivien
Source : « Poésies complètes » de Renée Vivien, éditeur « Librairie Alphonse Lemerre », 23-33 passage Choiseul, Paris, 1934 (MDCCCXXXIV)
L’ombre jetait vers toi des effluves d’angoisse :
Le silence devint amoureux et troublant.
J’entendis un soupir de pétales qu’on froisse,
Puis, lys entre les lys, m’apparut ton corps blanc.
J’eus soudain le mépris de ma lèvre grossière …
Mon âme fit ce rêve attendri de poser
Sur ta grâce où longtemps s’attardait la lumière
Le souffle frissonnant d’un mystique baiser.
Dédaignant l’univers que le désir enchaîne,
Tu gardas froidement ton sourire immortel,
Car la Beauté demeure étrange et surhumaine
Et veut l’éloignement splendide de l’autel.
Éparse autour de toi, pleurait la tubéreuse,
Tes seins se dressaient fiers de leur virginité …
Dans mes regards brûlait l’extase douloureuse
Qui nous étreint au seuil de la divinité.
Renée Vivien
Source : « Poésies complètes » de Renée Vivien, éditeur « Librairie Alphonse Lemerre », 23-33 passage Choiseul, Paris, 1934 (MDCCCXXXIV)
…
Partout dans la forêt qui chante et qui verdoie,
L’odeur des muguets blancs sucrait le vent léger ;
Nous sentions vaguement des ailes voltiger
Et des branches fleurir autour de notre joie.
Les herbiers du sentier montaient à nos genoux ;
Et nous restions ainsi, debout dans la rosée,
Le cœur plein, l’âme ardente et pourtant apaisée,
Immobiles, muets, refugiés en nous.
..
André Rivoire
Bien souvent, le matin, quand le soleil est clair,
Je vais vers la prairie où l’herbe est si candide ;
Je parle à l’aubépine, au doux trèfle timide
Je parle aux boutons d’or, je parle à l’univers.
Je fais signe à chacun, aux amandiers qui dansent,
Des roses dans les bras, autour des cyprès noirs ;
Au petit chemin blanc qui s’en va sans savoir
Combien le printemps blond a de tendre indulgence.
Je salue au passage, en les reconnaissant,
Le tapis de soleil qui s’étend sur la plaine,
Une odeur de gazon, de brebis, ou de laine,
Le grand silence bleu du calme bruissant.
Je souris au chant frais des mésanges volages,
Je souris au rameau qui frôle mes cheveux,
Et quand, près d’humbles fleurs, je m’agenouille un peu,
Je baise avec amour leur cher petit visage.
Source : Princesse Marguerite de Broglie « Dialogues du vent et du soleil », Albert Messein, Éditeur, Paris 1939