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La terre maternelle et douce aux anciens Dieux
Fait à chaque printemps, vainement éloquente,
Au chapiteau brisé verdir une autre acanthe ;
D’autre côté, Madame Ortie
Qui veut être de la partie,
Avec son cousin le chardon,
Vient citer une médisance
D’une jeune fleur de melon
À qui l’on voit enfler la panse.
L’étang dont le soleil chauffe la somnolence
Est fleuri, ce matin, de beaux nénuphars blancs ;
Les uns, sortis de l’eau, se dressent tout tremblants,
Et dans l’air parfumé leur tige se balance.[..]
Nous nous taisons. Le vent balance
Les deux saules sur l’abreuvoir ;
Et je sais, malgré ton silence,
Que ce soir est le dernier soir.[..]
La Nature t’attend dans un silence austère ;
L’herbe élève à tes pieds son nuage des soirs,
Et le soupir d’adieu du soleil la terre
Balance les beaux lys comme des encensoirs.
Alfred de Vigny